Articles Tagués ‘Up in the Air’

Ai vu hier soir Up in the Air ( selon mon habitude, qui est de voir un grand succès sans avoir lu les critiques, et ce plusieurs mois plus tard. Pas facile avec ce film ! Oscars, tapis rouge, amis conseillers….
Les plus perspicaces d’entre vous auront deviné que la belle blonde ukraino-italienne, Vera Farmiga, m’a tenu occupé toute la soirée.

Vera Farmiga

Mais force est d’admettre que son rôle est une sacrée claque dans la gueule du mâle dominant. Et surtout le personnage de Ray Bingham, homme sans état d’âme apparent qui licencie des centaines d’employés quand les vrais patrons n’ont plus de couilles. Il donne aussi des conférences sur l’art de voyager mais bien plus sur l’art de vivre avec un sac vide. Quintessence de l’individualiste jouisseur, Ray est incarné par George Clooney, plus vrai que nature: cynique sur simple pression d’un bouton, mielleux, paternalisme, thérapeute , il résume ce qu’il fait en  disant :  » nous amenons les gens à comprendre que le travail qu’ils viennent de perdre n’était EN FAIT pas ce qu’ils voulaient VRAIMENT faire  dans la vie « .

C’est un soir au lounge bar, qu’il va croquer la pomme.. La fille est délicieusement belle, sombre, intrigante, et pourtant sa conquête est plus simple qu’une formalité douanière.Au petit matin,  ils décident de se revoir, au hasard de leurs horaires, à Des Moines ou à Wichita, ou dans un Hilton d’aéroport.

Mais ici, l’homme propose et la femme dispose. Cette liberté sexuelle et morale assumée avec entrain l’intrigue et lentement l’allume. Aurait-il découvert son pendant féminin ? Quoi qu’il en soit, un peu pour se tester, un peu pour la tester, il ira jusqu »à l’inviter au mariage de sa soeur à Milwaukee, bien que le sort de sa soeur soit son ultime préoccupation. Et ils seront présents à la cérémonie !
Il donne même des conseils à son futur beau-frère, très indécis le jour J, et l’invite à considérer le besoin, parfois, dans la vie, d’un…copilote. Le reste du week-end entre Ray et Alex est un rêve, en dépit du froid, de la neige et des repas familiaux. Une brèche est ouverte, une brèche importante qui le poussera à transgresser l’unique loi existante entre eux.

Il veut la voir ? Pas de problème. Une simple coordination d’agenda. Sync. Mais, règle d’or qu’il semble avoir oubliée, il doit l’appeler avant tout…

Après une journée difficile, marquée d’incidents pénibles et de perspectives professionnelles troublantes – ne doit-il pas  traîner avec lui une fraîche et guindée diplômée de Cornell qui teste une méthodologie de licenciement massif par Internet. Selon elle, entre autres avantages,  les employés hautement spécialisés et coûteux tels que Ray ne seront plus requis. Ils resteront, certes, mais cloués au sol, comme de vieux coucous.
Alors que la stagiaire et lui retournent à Omaha, siège social de la compagnie, Ray, submergé par les émotions, fait demi-tour et décide d’aller  retrouver Alex à Chicago.
Le taxi le dépose devant un townhouse cossu… Il sonne. La porte s’ouvre.
Alex est là, mais est-ce bien la même Alex, avec ces cris d’enfants courant au deuxième étage et ce mari qui demande : « chérie, c’est qui ? »

Dès lors , les certitudes de Ray sur la vie en solo, sur l’inutilité de la présence des autres, sur une mort solitaire sans personne pour vous tenir la main, trente ans de sa vie organisée vacille. Dans le métro qui mène à O’Hare, lorsqu’elle appelle pour lui dire de ne plus jamais faire ÇA, mais qu’il peut l’appeler quand il veut, elle insiste . L’appeler, la texter, oui  -elle ne semble pas avoir perdu son entrain –  mais jamais jamais se présenter en personne.

Il lui demande alors:
– mais, je croyais que, après tous ces moments…tous ces moments inoubliables…qu’est-ce que suis-je pour toi ?  La réponse tombe comme la lame d’une guillotine :
– pour moi ? mais tu es…une parenthèse!

Devant la porte du townhouse, son monde avait tremblé. Après la réponse d’Alex, son monde a été rasé.
Désormais, nanti d’un nouvelle carte privilège intitulée « parenthèse « , à quoi peut-il bien se raccrocher ?

À la famille ? En dehors de leur présence au mariage de sa soeur, il n’avait que de rares contacts avec l’aînée, Clara et pas du tout avec ses autres soeurs.
Son père et sa mère sont difficiles à rejoindre. Ils sont au cimetière.
À un ami ? Mais, en a-t-il seulement UN, d’ami ?
À une femme ? Seule Alex occupe son esprit et ce de manière globale. Chaque hémisphère est touché.

Ainsi, par un curieux paradoxe, ce qu’il enseigne aux autres en les licenciant, le recours à la famille, aux amis, aux amants, aux compagnons de sport, l’importance qu’il y a de ne pas être seul dans ces moment difficiles, et aussi cette phrase dont il se dit l’inventeur et dont il est très fier : « c’est dans ce type de moments difficiles que certains sont devenus de grands hommes ‘ », toutes ces choses -là n’étaient soudain que boulechite. Boulechite. Il comprenait. Combien de fois lui avait-on craché ce mot au visage ?

Belle leçon. Ray sent le désire de s’ancrer, de changer de vie, mais la femme QU’IL a choisie lui montre que l’on ne saurait être fait d’une seule et unique pièce:  minuscules dans un infiniment petit, nous tournons autour du monde, ce n’est pas le monde qui tourne autour de nous.  Notre survie individuelle dépend d’une survie collective. Ainsi, vouloir vivre seul sans famille, père, mère, enfants, femme, amis, collègues est une utopie.

La Surprise du film

La femme a été, et est encore plus souvent qu’autrement, une parenthèse dans la vie d’un homme et voir ce discours renversé par l’establishement hollywoodien m’a ravi. C’est un peu le triomphe d’un féminisme intelligent, assumé , non vindicatif.

Up in the Air n’est pas un chef d’oeuvre, il y a quelque chose de soft et propret dans les images et dans le montage qui le rend mou, le scénario n’est pas des plus inventif et on en a rapidement marre de voir des aéroports. Mais c’est un film au casting parfait  et les questions qu’il suscite nous poursuivent…

La bande-son, Elliot Smith en tête, colle parfaitement au récit et aux lieux. Nous sommes souvent dans l’Amérique profonde, Des Moines, Saint-Louis, Wichita, Omaha, Milwaukee. Une musique de country-rock aux accents de road music rend le tout très crédible.

Up in the air. Pour Ryan Bingham, seul dans les airs, c’est un Saint Graal à atteindre, le million d’Air Miles. Libre de toute attache, familiale, conjugale ou même amicale.

Up in the air. Pour chaque employé licencié, le désarroi, la panique, la peur du vide, l’argent, la famille à nourrir, la maison à payer, l’auto, l’entre-deux incertain (vraie signification de Up in The Air) et la solitude face à des questions d’estime de soi ou le jugement des autres. D’ailleurs, qu’est-on dit aux autres lorsqu’on ne travaille pas ? Comment se présente-t-on à autrui?

Une autre surprise

Hollywood n’est pas la réalité, mais Hollywood a changé bien des réalités par le biais de scènes semblables à celle de cet homme sans attache apparente et qui reçoit, une soirée d’hiver, à Chicago, une leçon, non pas d’humilité, mais plutôt….de relativité.

Mon sentiment face à ce film ?  » Up in the air  » ! Mais je vous rassure, c’est loin d’être une guimauve imbuvable ( ça se boit de la guimauve ?) Donc, mon conseil : allez, loue-le !

Enfin, je ne résiste toujours pas à la tentation de terminer en beauté…et ce terme est loin ici, d’être dilapidé.

Jeff C

VERA FARMIGA