Épisode 3 :Faux-fuyants
Elle me troublait. Elle me torpillait. Je ne l’avais jamais perçue autrement qu’une secrétaire idiote et sexy et là je la voyais splendide et désirable.
— Vous… vous avez le temps de rester quelques minutes…? bredouillai-je ?
— Je ne sais pas si j’ose, gazouilla-t-elle, mais cette journée m’a épuisée, je crois pouvoir m’arrêter un moment…
— Je… j’ai… vous… vous avez mangé ?
— Oui, je vous remercie. Mais je prendrais bien quelque chose à boire. Ensuite, je me sauve avec l’enveloppe. Vous l’avez préparée ?
— Oh oui, oui. Elle… elle est dans l’entrée…
Voilà Cindy dans mon salon.
— Je… je suis désolée, ce n’est pas très en ordre…
— C’est très bien chez vous… C’est très… dépouillé. Un appartement de chercheur…
— Je… je ne sais pas. Peut-être.
— Vous vivez seul ?
— Euh, oui… oui, je vis seul !
— Chara me l’avait dit. Vous vous consacrez entièrement à ce que vous faites…
— Oui… oui, on peut dire ça.
— Alors, me servez-vous à boire…?
— Oh oui, bien sûr… tout de suite. Vous aimez le champagne ? De Californie ? Ce n’est pas un vrai Champagne, mais c’est produit selon la méthode champenoise.
— J’adore… Napa ? Sonoma ?
— Napa.
Je me précipitai vers le réfrigérateur, et ouvris les deux portes comme si derrière existait un improbable trésor…
J’en revins avec la bouteille de Napa dans la main droite et deux flûtes à champagne dans la main gauche. Je débouchai la bouteille avec dextérité, tout en regrettant de ne pas en avoir acheté deux. Nous étions chacun assis à distance respectable, elle sur mon sofa Roche-Bobois couleur grenadine et moi sur ma chaise Poäng beige, page 41 du catalogue IKEA.
Je remplis lentement chaque flûte, sans trop faire de mousse.
— Oh ! un homme d’expérience, dit-elle.
— Pour les bouteilles, seulement ! fis-je, modeste, en lui tendant une des deux flûtes. Bretzels avec ça ?
— Non, non. Trop salé!
— Alors…, buvons à Hekicos, dans ce cas !
— À Hekicos et à notre rencontre, ajouta-t-elle.
— Oui, dis-je pour remplir l’espace.
J’avais hâte que l’alcool me décoince, je me sentais aussi démuni qu’un petit gars demandant un autographe à Barry Bonds.
— Nous ne sommes pas souvent croisés…
— En effet, la… la boîte est grande.
— C’est vrai, je rencontre bien du monde dans une journée, mais vous savez, je vois les gens sans les voir, je leur parle sans leur parler.
— Nous faisons tous ça, non ?
— Oui, mais moi, c’est différent, affirma-t-elle en buvant son verre d’un seul trait.
— Ah bon, je n’avais rien remarqué ? fis-je en remplissant à nouveau sa coupe.
— Vous ne m’avez jamais remarquée…
— Et pourtant, vous… vous êtes remarquable.
— Vous dites ça parce que nous sommes l’un en face de l’autre. Mais il est rare que je regarde une personne à qui je parle. C’est une nécessité.
— Une nécessité ?
— Oui, pour ma concentration, dit-elle, sérieuse comme une vérificatrice- comptable. Rencontrer le regard des autres me dissipe, me dissout.
— Mais… comment faites-vous, du lundi au vendredi ?
— Je place une sorte de voile devant les yeux, je baisse les stores. Établir un contact visuel avec les gens fait vagabonder ma pensée.
Ensuite, j’ai des genres de… de visions… je… j’imagine des situations !
— Des situations…?
— Des situations…
— Quel type de situations ?
— Des situations d’apparence normale… ça débute comme un rêve, je vois les gens chez eux, ils vaquent à leurs occupations habituelles, je peux même voir leur quartier, leur rue, leur maison, leur voiture. Ensuite, ça dérape…
— Ça dérape ?
— Oui, mais je… je ne dois pas vous raconter la suite…
— Comme vous vous voudrez… mais vous m’avez intrigué…
— Je ne dois pas.
— Vous ne pouvez pas me laisser comme ça ! C’est cruel !
— Je ne dois pas.
— Au contraire, vous allez vous libérer. Vous ne porterez plus le poids d’un lourd secret, dis-je, sans avoir la moindre idée de ce qui pouvait ainsi la tourmenter.
— Vous insistez, vous insistez, sans savoir ce que vous trouverez de l’autre côté du miroir…
— Et bien… je prends le risque !
— Soit, alors, je vais vous révéler mon secret. J’imagine… parfois les gens au…
— Au lit ?
— Non, les gens…
— Au cimetière ?
— Non, oh et bon, vous l’aurez voulu… aux toilettes !!!
— ???
— Oui, je sais, c’est ridicule ! Aux toilettes ! Quand j’étais petite et que quelqu’un m’impressionnait — et bien des gens m’impressionnaient — ma mère disait toujours, « ma p’tite, imagine cette personne bien constipée, en train de pousser fort… »
Elle se mit à rire de bon coeur.
— Donnez-moi un autre verre de champagne !
J’obéis sans plus tarder…
— Et moi, vous me voyez comment ? dis-je un peu apeuré…
— Vous ? Vous, c’est différent…
— Ah, vous me rassurez ! Je ne vous impressionne pas !
Elle s’était sensiblement rapprochée et je pouvais sentir son parfum musqué mêlé de santal et de vétiver.
— Vous disiez… que… je…différent ?
— Oui, différent…
— Différent… en quoi ?
— En ça…
Elle déboutonna le peu qu’il y avait à déboutonner de sa blouse et s’en débarrassa négligemment en se cambrant avec provocation.
— Vous avez l’enveloppe ?
— Euh, oui, dis-je surpris de sa question et incapable de détourner mon regard de ses avantages sociaux non imposables.
— Vous chaussez du combien ?
— Je chausse du combien ? Du 12 et demi. Mes… souliers vous intéressent ?
— Vos souliers non. Vos pieds oui. Enfin, la longueur de vos pieds…
Elle s’était mise à genoux sur le tapis et ses deux seins, aidés par la chirurgie, restèrent bien en place, malgré leur poids.
Ce n’était pas ce que je préférais, j’aimais les seins naturels, fermes, espacés, un peu tombants, en forme de poire, avec des mamelons dressés au milieu d’une aréole rosée, un sein sillonné de veines sur fond de peau laiteuse, des caractéristiques que l’on rencontre le plus souvent chez les filles du nord.
Mais pouvais-je faire mon difficile devant ce défi aux lois de Newton ?
Elle avait ouvert mon pantalon pour avoir accès à mon sexe. Ce dernier était dur comme le lampadaire placé devant ma porte sur la rue. Il était prêt pour le grand défilé de la Place Tienamnem…
Elle l’entama avec passion, tel un authentique cornet de crème glacée vanille noisette et trouva vite la porte de ma boîte à fusibles. Elle n’était pas débutante.
— Je le savais, s’exclama-t-elle en faisant une pause pour ne pas parler la bouche pleine…
Une fille bien élevée.
— Vous… vous saviez quoi ?
— Qu’elle était longue !
— Ah bon, et vous saviez ça de quelle manière…?
— Vous êtes grand. Vos articulations sont grandes, vos doigts sont longs, vous chaussez du 12 et demi. Ce sont des indices qui ne trompent pas.
Sa tournée statistique complétée, elle reprit son travail sapeur constitué d’une quinzaine d’allers-retours destinés sans doute à faire monter rapidement mon nombre d’Air Miles et d’Aéroplan.
Puis, tirant sur mon pantalon pour l’enlever, ôtant aussi sa jupe et ne gardant qu’un string qu’elle écarta habilement de son index droit, elle me poussa sans retenue sur le dos afin de profiter d’un bambou sur lequel elle s’inséra avec minutie.
Je sentis rentrer Excalibur – c’était ses propres termes et j’appréciais cette culture impromptue, – dans son fourreau tout confort. Il y faisait chaud et mon outil était parfaitement protégé.
La dame savait y faire, et si, dans son enfance, elle avait eu quelques complexes, elle avait depuis trouvé un psy l’ayant grandement désinhibée…
— Lentement, lentement, très lentement, me dicta-t-elle…
Je m’appliquai. Elle était plantureuse, bronzée, fausse blonde si j’en jugeais par les rares poils qu’elle avait laissés au-dessus de son pubis rasé.
Elle émettait de petits bruits qui rappelaient une radio FM mal syntonisée.
Elle n’était pas mon genre, et pourtant j’étais en elle, serré de près comme souvent chez ce genre de femme grande et mince . Secoué par des descentes et des montées de plus en plus rapides.
— Vous conduisez quoi comme voiture ?
— Un… un Murano, dis-je essoufflé.
— Moi aussi… répondit-elle. Quelle couleur ?
— Rouge vénitien !
— Ah, moi c’est blanc nacré.
Elle se redressa avec soin afin de permettre aux lèvres de son entrée principale d’effleurer mon gland
Elle entama ensuite une série de rotation dans le sens contraire des aiguilles d’une montre…
Mon GPS perdit le satellite bien avant qu’il ait eu le temps de calculer le parcours..
Puis Cindy redescendit à ma racine, l’emprisonna dans sa boîte à ouvrage, amorça un va-et-vient méthodique qu’elle ponctua de cris couvrant plusieurs octaves. Une Pavarotti de l’orgasme ! Quant à moi, je sentis l’Orient-Express rentrer en gare pour y déverser son surplus de passagers.
Elle se désembobina rapidement et me demanda :
— La salle de bains, c’est où ?
— Deuxième porte à gauche.
Je la regardai s’éloigner dans toute sa nudité, elle chaloupait comme si elle avait ses talons, elle devait être fille de marin tant le tangage et le roulis lui étaient naturels.
© 2011 JfChetelat