Je n’ai jamais su résister à une fille blonde. Si l’une d’elles croise ma route, c’est l’alerte rouge. Ma biochimie du cerveau ressemble vite à un échangeur de Los Angeles et le processeur a rapidement besoin de ventilation. Ce ne sont pourtant pas toutes les blondes, qui font monter ma pression dans les artères ! Je détecte instantanément les fausses : celles qui sont teintes, celles qui proviennent d’appellations d’origine non contrôlées, les siliconées de l’avant et de l’arrière, bref, les usurpatrices sont écartées rapidement. Leur vulgarité, leur désir d’être autre que ce qu’elles sont me laisse le compte-tour à zéro. C’est à elles que l’on doit ces blagues les transformant, à l’aide de trois bonnes répliques, en ravissantes idiotes. Parmi elles : Marylin ou Brigitte Bardot pour le haut de gamme, Pamela Anderson ou Paris Hilton pour le genre WallMart. Certaines beautés diaphanes aux cheveux châtain clair peuvent aussi créer des turbulences et déjouer mon détecteur sophistiqué.
Les «irrésistibles », celles qui sonnent l’alarme, ce sont les « vraies» blondes, celles du nord de l’Europe (A.O.C). Elles ont souvent les yeux bleus comme un ciel à moins vingt degrés, un visage faussement ingénu qu’on ne se lasse pas d’admirer. Allumés par tant d’innocence et de candeur, vaincus par un aussi fin concentré de féminité et de jeunesse, nous versons rapidement dans la contemplation, voire la stupeur.
Leurs cheveux varient d’un blond très pâle au blé doré. Leur peau va d’une blancheur laiteuse à l’ambre d’un Muscat de Rivesaltes.
Leurs lèvres et leur bouche ont un goût marqué de calisson avec des notes d’abricot.
Leurs poitrines, frémissantes sous un léger t-shirt de coton, ont des aréoles larges et rouges encerclant un mamelon fièrement dressé qui accentuent la blancheur du sein, parcouru de minuscules veines bleu pâle.
Leur pubis est généralement rasé et quand il ne l’est pas, une mince rangée de poils le traverse. La couleur de ces derniers se confond avec la peau et signale la route à suivre pour aller jusqu’à leurs lèvres déjà ouvertes et mouillées.
Il faut dès lors savoir plonger dans ces corps sucrés et les traiter avec la plus grande délicatesse. Il faut les caresser avec soin, cartographier de la langue chaque continent de leur corps, puis rentrer en elles avec minutie et douceur, jusqu’au fond, où il est recommandé de s’attarder longuement en dessinant de larges et lents cercles concentriques. Elles connaissent parfaitement l’art de se resserrer pour mieux nous garder, et veulent alors donner la mesure. C’est le temps de les suivre, les laisser mener le bal, et leur chuchoter dans le creux très creux de l’oreille, des mots de passion, des mots que l’on réserve habituellement à nos friandises préférées.
Ces filles ne sont pas objet, elles sont sujet. Il est dès lors bien difficile de les garder. Sans doute est-ce mieux ainsi. Peut-être finiraient-elles par se faner ?
Leur troublante beauté les rend libres. Elles partent un jour, sans explication ni espoir de retour, nous laissant seuls et marqués au fer, et, si nous sommes chanceux, avec quelques photos. Il faudra garder ces dernières en lieu sûr, car viendra le temps lointain de les ressortir. Elles seront comme un passeport.
Le départ jamais prévu d’un être si profond et si libre est une peine d’amour qui compte double.
Mais il reste d’autres splendeurs à découvrir : les brunes aux yeux marron, les Asiatiques aux longs cheveux de jais, les rousses aux yeux verts.
Les compensations seront donc nombreuses, et les années passeront. Des enfants naîtront, des métiers s’apprendront. Mais, par un beau jour de printemps, d’été ou d’automne, l’une d’elles croisera à nouveau votre chemin, par le biais d’un film, d’une musique ou d’une vraie personne, une blonde de chair venue du Nord, amenant avec elle une valise reconnaissable à son odeur de pâte de fruits et contenant quelques clés.
Cela vient de m’arriver, et après avoir ouvert la valise, j’ai tout de suite entamé un texte dont je connais déjà le titre, les personnages et la trame. Je me suis dit que, en guise de prologue, il serait juste et bien de vous présenter les héroïnes de ce récit, qui se nommera Trois Blondes. J’essayerai, en cours de route, de vous donner des nouvelles de l’état des travaux. Voici donc mes personnages :
Anna-Christina, mon amour de Hambourg, pour qui j’aurais parcouru la planète entière, la langue à terre. Elle étudiait en Suisse et je la ramenais toutes les deux semaines à Hambourg chez ses parents, par le train de nuit…Elle a été ma première «blonde »et j’en étais fou. À la revoir sur cette photo prise à Copenhague, je me dis que de telles filles sont des cadeaux du ciel amenées par le père Noël. Nous sommes connu un 6 décembre, jour de la Saint-Nicolas.
Bracha van Doesburgh
Actrice hollandaise vue à la TV un soir dans un film historique dont j’ai tout oublié.
Totalement obnubilé , je n’ai vu qu’elle pendant une heure trente.
Sa présence «intense à l’écran» lui vaut de tourner plusieurs films cette année.
Kirsten Dunst,
D’origine germano-suédoise, elle a été la fiancée de Spiderman ( c’est qui, lui ?) et la diaphane Marie-Antoinette de Sofia
Coppola. Très, très sexy.
Anna Ternheim, chanteuse, guitariste, pianiste suédoise, à qui je dois d’intenses moments musicaux – je n’écoute qu’elle ces temps-ci et ce depuis deux mois – mais aussi , par un phénomène apparenté à la madeleine, à qui je dois la remontée des souvenirs d’une autre Anna-Christina, de Katarina, d’Elena, toutes femmes d’exception au parfum de fraises Tagada.
Elles semblent fragiles mais la détermination du Nord est dans leur regard.
JF, nous nous connaissons à peine et pourtant j’avais senti une vive émotion de ta part en parlant d’Anna Ternheim, émotion que j’ai partagée à mon tour en l’écoutant chanter et surtout en la voyant, seule, s’accompagner à la guitare… Oui, pour la fragilité, la force, la beauté en une seule et même personne, oui aux blondes à la peau laiteuse comme un nuage… Pour ma part, je pense toutefois maintenant que cela ne concerne pas que les blondes, mais les « vraies » filles, vraies blondes, rousses, châtains ou encore brunes…
Il n’y a pas que les cheveux clairs comme un jour d’Islande ou les yeux bleus comme un ciel polaire qui brisent les âmes…
Stéphane,
Tu as bien sûr raison et la vie se charge de nous montrer que l’attirance envers quelqu’un(e) ne relève pas d’une opération mathématique. Ma toute première blonde – au sens québécois du terme – était brune et ressemblait à Sophie Marceau et la plupart des filles que j’ai connues et aimées n’étaient pas blondes. On relève donc ici purement du fantasme. Ce qui m’intéresse, c’est la schématisation, l’idéalisation. Ce que je raconte est objectivement parfaitement con mais il est vrai qu’Anna-Christina, dans les faits ma deuxième « blonde » et ma première « blonde blonde » est devenue une sorte de paradigme, de modèle de femme idéale. Je me suis enivré de cette fille-là. J’étais en manque quand elle n’était pas là, un vrai manque de toxico. J’ai ramé beaucoup quand elle est partie…
Et voir Kirsten Dunst dans Marie-Antoinette, ou Bracha Van Doesburgh dans un obscur téléfilm hollandais ne font que faire repartir la machine à fantasme avec tous les éléments – entre autres sexuels – que cela implique.
Découvrir Anna Ternheim a aussi fait repartir la machine, mais comme c’est sa musique que j’ai découvert en premier, il y a là un mélange moins schématique et plus sensuel. C’est aussi plus excitant, plus durable car A.T amène de la matière pour un projet qui peut me mener bien au-delà du fantasme de la blonde du Nord. Nous verrons dans le temps si tout cela a réellement une valeur créative solide.