l y tout de même quelques années que je traîne mes Converse Kurt Cobain dans le milieu du livre et que je m’intéresse au livre numérique. J’ai été partant quand Laurent Rabatel m’a proposé l’aventure de RobertNeVeutPAsLire. J’aimais le concept initial de feuilleton, un retour à l’écriture fin XIXe siècle ou aux grands nouvellistes américains, qui correspondait bien, selon nous, au temps découpé que nous vivons. Hélas, à l’époque, les auteurs avaient besoin de leurs écrits pour vivre, dans un modèle bien établi, et livraient les textes avec la régularité d’une Rolex à 10 000 dollars. Aujourd’hui, les distractions sont nombreuses et nos auteurs oublient parfois leurs lecteurs. C’est pourquoi Robert change de cap et publiera désormais des textes complets.
Mais là n’est pas mon propos.
Le livre numérique donc, je m’y intéresse,avec passion, je lis le blogue et les tweets de François Bon, de Clément Laberge et autres gourous de la modernité, je me tape Tim O’Reilly et BookSquare chaque jour. Je vois les éditeurs tenter de reproduire les schémas de distribution existants. Je les vois imaginer des scénarios tous plus compliqués les uns que les autres, DRM à l’os et pas les meilleurs (Adobe, par pitié!), plateformes numériques renvoyant au libraire, support technique plus ou moins efficace.
Je vois aussi les fabricants de e-liseuses, Sony, Amazon(Kindle), Barnes and Nobles(Nook), s’ingénier à compliquer les choses en multipliant les solutions propriétaires. Je vois poindre Apple à l’horizon s’il reste assez de forces à Steve Jobs.
Bref, tout ce beau monde s’agite avec mérite, raison, compétence, sincérité (pour la plupart) pour nous créer le livre de demain. L’objet ultime qui ne vous électrocutera pas quand vous voudrez lire dans votre bain. Et dont les piles ne se déchargeront pas quand vous serez assis depuis une heure sur le bol de toilettes , e-reader en main.
Les journalistes piaffent, twittent, (pléonasme?) , s’agitent, épuisent leurs recherchistes pour ne pas rater le train, ne pas manquer le buzz. Eux le virus, ils le veulent, ils n’iront pas se faire vacciner.
La vapeur monte comme dans un Presto, et ce dernier commence à siffler. C’est bien. Ça alimente les réseaux sociaux et peut-être découvrirons-nous finalement quelque chose qu’on a peine ENCORE à imaginer.
Comme éditeur-réviseur chez RobertNEVeutPasLire, je viens de terminer la révision d’un texte exigeant qui m’a toutefois donné beaucoup de plaisir.
Et une question me vient à l’esprit? Quand, dans tout ce ramdam, parle-t-on de l’auteur? De la matière première de cette “nouvelle industrie”? Quand parle-t-on des textes?
On s’excite sur le contenant, en oubliant que celui-ci n’est pas vide. Le contenu existe aussi. Sans contenu, pas de contenant. Même les éditeurs traditionnels en viennent à oublier cette vérité élémentaire. Nous devons parler des textes, des auteurs, ce sont eux qui feront vendre le support de demain
Beaucoup de bruit pour rien donc.
Car un bon auteur avec un bon texte, publié en livre de poche, en format numérique ou sur du papier de toilettes ultradoux quatre épaisseurs demeurent un bon auteur avec un bon texte.
Attention à Steve Jobs, toutefois…
Jf Chételat